Le déclenchement ? Pourquoi, Comment ?

En France il y a environ 26 % des accouchements qui sont déclenchés. Ce chiffre est en augmentation depuis plusieurs années.

La première fois que j’ai entendu parler de déclenchement de la naissance, c’est lors d’un de mes stages à l’école d’infirmière, il y a 24 ans. A ce moment-là, nous avions un stage en pédiatrie obligatoire et j’ai eu la chance de le faire à la clinique du Parc, qui maintenant a déménagé au Pôle Santé Léonard de Vinci à Chambray-lès-Tours. C’était en décembre et ça a toute son importance avec le déclenchement ! Parce que la chance que j’avais, c’est que le service de néonat était au niveau des salles d’accouchements et c’est les puéricultrices de néonat qui faisaient les soins aux bébés à la naissance. Donc pendant 4 semaines j’ai vu des naissances et des nouveau-nés tous les jours ! Rien d’étonnant donc à ce que j’en sois là maintenant !

 

Un bébé pour Noël

 

Le dernier jour de mon stage était le vendredi juste avant les vacances de Noël, et là plusieurs accouchements en même temps, y compris dans les salles d’examens car il n’y avait pas assez de salle de naissance. Beaucoup d’accouchements avaient été déclenchés pour « convenance », ben oui, pour avoir bébé avant le 25 et être là pour voir les aînés ouvrir leurs cadeaux ! Et en même temps, le gynéco qui suit la dame en question est sûr d’avoir son K opératoire (le codage CPAM pour avoir les sous) pour la naissance et pouvait donc partir en vacances tranquille. Peut-être que je vous parais cynique à dire ça, mais c’est bien ce que j’ai entendu ce jour-là.

 

L’étude French Arrive

 

Aujourd’hui, le déclenchement est de plus en plus proposé. Surtout depuis la nouvelle étude « Arrive », commencée aux Etats-Unis il y a 10 ans. Ils en sont revenus de cette étude mais nous les Français, on est toujours les plus forts, donc plutôt que de s’instruire des erreurs des autres, on préfère vérifier que c’est bien une erreur. Et puis c’est bien utile avec toutes les fermetures de lits en maternité.

L’idée de « French Arrive », oui parce qu’on l’a rebaptisé aussi, c’est qu’il faut déclencher toutes les primipares à 39 SA pour éviter le risque de césarienne. Il y aurait une péremption du placenta passé cette date… Sûre que Cro-Magnone dans sa grotte, elle regardait sur son calendrier et demandait un décollement des membranes à 39 semaines d’aménorrhées ! La grossesse dure entre 39 et 43 semaines d’aménorrhées. Cette norme est d’ailleurs variable selon les pays. Et à ma connaissance, aucun bébé n’a oublié de naître. Alors oui, en fin de grossesse, notamment après 42 SA, il y a un risque que le placenta ne fasse plus aussi bien le boulot. Mais pas au point de déclencher tout le monde à 39 SA ! Et puis l’idée d’éviter la césarienne, c’est surtout parce que bébé étant plus petit, il sortira plus facilement par voie basse. Mais si les femmes avaient la possibilité de bouger comme elles veulent pendant le travail, de se mettre dans la position qui leur convient le mieux pour la naissance, il y aurait aussi moins de césarienne.

 

Pourquoi déclencher l’accouchement ?

 

Un déclenchement pour la santé de la mère

Une des causes principales de déclenchement et où il faut vraiment écouter les médecins, c’est la pré-éclampsie. La grossesse rend la mère malade et cela peut avoir une issue dramatique. Le seul traitement est de faire sortir bébé. Les principaux symptômes sont l’hypertension artérielle (mais vraiment pas juste 14/9, bien plus) et la présence de protéines dans les urines. Donc là oui, le déclenchement est obligatoire.

Il peut aussi y avoir des déclenchements pour des raisons médicales diverses, qui nécessite de programmer l’accouchement pour que celui-ci n’aille pas à son terme. C’est assez rare, mais je pense aux mères qui ont une tumeur et où il faut commencer un traitement. On laissera la grossesse aller au maximum et dès que bébé sera viable, on l’aidera à naître. Ce sont donc des situations assez rares et étudiées au cas par cas avec l’équipe d’obstétrique.

 

Les déclenchements pour la santé du bébé

Il y en a beaucoup plus et certaines ne sont pas toutes justifiées.

Soit bébé est trop gros ou risque de l’être

Comme dans le cas du diabète gestationnel non équilibré. Le personnel médical craint que bébé ne passe pas. Je reste assez persuadée que la machine est bien faîte et que nous faisons les bébés que nous pouvons faire naître. Par contre, avoir un gros bébé et accoucher sur le dos sans mobilité possible, oui ça va être plus sportif que si la mère peut être mobile et à 4 pattes !

Et puis le poids du bébé est une estimation échographique qui se calcule avec la taille du fémur et le périmètre abdominal. Sauf que si cette mesure a été faite de façon approximative, le gros bébé attendu peut en fait être une crevette de moins de 3 kg. Avant d’accepter le déclenchement, ça peut valoir le coup de demander une écho de contrôle à 37 SA pour s’assurer des mesures.

Bébé est trop petit

C’est aussi une des raisons du déclenchement. Les médecins craignent que le placenta ne remplisse pas son rôle, que bébé ne soit pas assez bien nourri. Et donc leur idée est de faire naître bébé pour mieux le nourrir à l’extérieur. Un bébé qui serait très en dessous des courbes doit inquiéter et le déclenchement peut s’avérer nécessaire. Et à condition qu’il le supporte car sinon c’est césarienne directement. Par contre, si bébé est encore dans les normes, certes basses, et que vous-même et le papa vous n’êtes pas du gabarit des joueurs de NBA, cette raison peut s’interroger.

Il n’y a pas assez de liquide amniotique

C’est une des raisons que j’entends le plus pour un déclenchement. Mais il est important de voir s’il y a d’autres symptômes qui nécessitent de provoquer la naissance. La quantité de liquide amniotique est évaluée par l’échographie. Sauf que la sonde ne fait pas tout le tour de la maman pour savoir si bébé ne cache pas de liquide dans son dos ! C’est une évaluation par rapport à une image en 2 dimensions. Si vous sentez bien bébé bouger, là aussi, il faudra questionner ce choix. Si bébé bouge peu, effectivement, cela peut être signe qu’il manque de liquide et donc qu’il ne peut pas se mouvoir correctement.

Bébé est en siège

Si bébé est en siège et qu’il vient de se tourner, il y a des chances pour que l’équipe vous propose un déclenchement pour être sûr que bébé garde bien la tête en bas et de le faire naître avant qu’il ne se retourne une fois de plus. La naissance par le siège est assez délicate, peu d’équipe proposent une naissance par voie basse dans ce cas. Dans certains établissements, la césarienne sera obligatoire. C’est donc à vous de voir ce qui est le mieux pour vous et bébé en fonction de l’équipe qui vous accompagnent.

Vous attendez des jumeaux

La très grande majorité des équipes médicales déclenchent les accouchements de jumeaux à 37 SA. C’est une des recommandations de la Haute Autorité de Santé. Donc on est dans le cas d’un protocole national. C’est pas dangereux de laisser une grossesse de jumeaux aller à son terme, l’Histoire regorgent de personnages célèbres qui étaient jumeaux et qui sont venus quand c’était le moment pour eux ! Mais le déclenchement apporte plus de sérénité pour l’équipe. Cela permet de prévoir d’avoir suffisamment de personnel pour s’occuper des bébés et de la mère. Parce que oui, dans ce cas, il y a beaucoup de monde dans le bloc d’accouchement : 1 obstétricien, voire 2, 2 sage-femme (1 pour chaque bébé), un anesthésiste, un infirmier anesthésiste, un infirmier de bloc, un pédiatre au minimum ! Les stagiaires peuvent compléter la liste.

 

Le déclenchement de convenance

Oui il existe aussi celui-ci. C’est même de ce type de déclenchement dont je parle au début de cet article. La convenance peut être pour les parents. On peut comprendre que si papa est militaire et doive partir en mission de 6 mois, il appréciera de voir son bébé naître avant le départ.

Mais la convenance peut aussi être pour les équipes, souvent en sous effectifs, avec de moins en moins de lits pour accueillir tout le monde. C’est donc plus pratique pour eux de cadencer les naissances, c’est une question de gestion ! Et ce n’est pas moi qui le dis mais le Dr Amina YAMGNANE dans le film « Faut pas pousser » de Nina Narre. L’ennui dans cette affaire, c’est qu’ils ne vous le disent pas ouvertement. Et là c’est à ce moment-là que l’on entend bébé trop gros, trop petit ou pas assez de liquide. Les parents inquiets pour leur bébé acceptent, alors qu’il va très bien.

 

Comment déclencher la naissance de bébé ?

 

Il y a plusieurs techniques, médicamenteuses ou non. Elles sont variables selon le stade de la grossesse, vos antécédents…

 

Les techniques non médicamenteuses

Le ballonnet

C’est une sonde avec à l’extrémité 2 petits ballons que l’on vient remplir de liquide. Il faut que le col soit un peu ouvert pour pouvoir le mettre. Il y aura un ballon du côté du bébé et un autre du côté du vagin, soit un de chaque côté du col. En les remplissant, cela va forcer le col à s’ouvrir plus et donc lancer les contractions.

 

Le décollement des membranes

C’est lors d’un toucher vaginal que celui-ci va se faire. La sage-femme ou le gynéco vont venir décoller la poche, dans laquelle bébé se trouve, de l’utérus. C’est fait avec les doigts, qui sont bien sûr gantés en stérile. Cette technique peut être douloureuse. Beaucoup de mamans disent ne pas avoir donné leur accord quand cela a été fait. J’espère que ce ne sera pas votre cas. Les membranes étant décollées, le corps va alors déclencher l’accouchement et les contractions vont commencer.

 

Les techniques médicamenteuses

Les prostaglandines

Elles peuvent être données en comprimé ou directement dans le vagin, le fameux tampon !

C’est pour aider à préparer le col. C’est souvent la première intention avant la perfusion. Une fois que le col commence à s’effacer, les contractions peuvent venir naturellement. Quand c’est le cas, c’est que bébé était près à venir, c’est le coup de pouce qui accélère les choses. Et si les contractions se font attendre, il y aura ensuite la perfusion d’ocytocine mais avec un col préparé c’est quand même mieux

Par contre, c’est contre-indiqué en cas d’antécédent de césarienne, cela majore le risque de rupture utérine.

 

La perfusion d’ocytocine de synthèse ou Syntocinon

L’ocytocine ne venant pas naturellement pour que le travail se lance, il sera utilisé de l’ocytocine de synthèse. C’est très efficace. Les femmes qui ont eu un déclenchement de cette façon le savent bien. L’ennui c’est que notre corps ne synthétise pas les endorphines comme dans un accouchement physiologique. Et donc c’est très douloureux. C’est pour cela que la majorité demandent à avoir la péridurale, au risque de diminuer la mobilité et donc de ralentir le travail. Mais quand les autres méthodes ont échoué à faire venir bébé, c’est la seule qui reste.

Il y a tout de même des précautions à prendre. Normalement, il faudrait attendre au moins 6 h entre l’administration de prostaglandines en intra-vaginal et l’administration d’ocytocine de synthèse. Dans les faits c’est pas toujours le cas.

Si vous êtes allergique au latex, cela peut entraîner un choc anaphylactique. Là aussi, j’ai régulièrement des témoignages de mamans qui me disent que l’équipe n’en a pas tenu compte. Ce qui est une faute médicale !

Le syntocinon peut aussi provoquer des bradycardies chez bébé, c’est-à-dire que son cœur ralenti. C’est la raison principale des départs en césarienne sur les échecs de déclenchements.

 

En conclusion

Le déclenchement peut être très utile, particulièrement si vous faîtes une pré-éclampsie, ça va vous sauver la vie !

Vous avez le droit de prendre le temps d’y réfléchir pour les autres cas de figure. N’hésitez pas à poser des questions à l’équipe qui vous suit, à demander un autre avis médical.

Et puis je suis disponible pour en parler avec vous également !