Il y a 13 ans à la minute où je publie cet article, je devenais officiellement maman. En fait, je le suis déjà dans ma tête et dans mon corps depuis plus longtemps !
Je suis née un vendredi 13 et en 2009, en mars, il y avait un vendredi 13 ! Le terme de ma grossesse était prévu pour le 15. J'aurai bien voulu que ma fille naisse aussi le vendredi 13, avoir déjà un point commun dès le départ... Mais elle avait décidé que ce serait autrement et qu'elle aurait son jour à elle. Clélia est donc née le samedi 14 à 3h20, au CHRU de Tours, maternité niveau III, le lendemain de la pleine lune...
Elle aime déjà l'exclusivité, alors elle a choisi de naître la nuit où toute l'équipe sages-femmes et auxiliaires de puer seraient pour nous. Elle m'a bien fait une farce la veille, où je suis allée à la maternité en soirée. Elle a dû trouver qu'il y avait trop de monde, trop d'agitation. Elle voulait de l'intimité, une quiétude, une disponibilité de l'équipe... Alors elle a attendu le lendemain et a continué à préparer mon corps pour la grande rencontre.
Cet accouchement je le voulais le plus naturel possible. Lors de mes études d'infirmière, j'ai fait un stage en maternité. A ce moment là, nous avions encore des spécialités de stages obligatoires, la pédiatrie faisait partie de la deuxième année. J'étais affectée au service de néonatalogie de la clinique du Parc à Chambray-les-Tours. Clinique où je suis née, non sans mal comme le rappelle encore ma mère ! Ce service était au niveau des salles de naissance et les infirmières puéricultrices s'occupaient des bébés "dès la sortie". Je ne vous expliquerais pas ici ce qu'on faisait subir aux bébés à peine arrivés dans ce monde, ça fera peut-être parti d'un autre article. Mais en tout cas, j'ai découvert le milieu de la naissance ! J'ai assisté à des accouchements pendant 4 semaines. Et j'en suis repartie avec la conviction que je ne voudrais pas de péridurale, encore moins de déclenchement le jour où je serai à la place de toutes ces femmes.
Pendant toute ma grossesse je me suis préparée à ne pas avoir de péri. Mon entourage me prenait pour une folle, l'anesthésiste m'a menacé d'une césarienne en urgence sous anesthésie générale où j'allais inhaler le contenu de mon estomac, les femmes de ma lignée qui ont accouché sans péri m'ont décrit les pires souffrances... Mais je savais que mon corps pouvait le faire, j'avais entendu les témoignages de femmes ayant un sentiment d'accomplissement avec une naissance naturelle et surtout je voulais que mon bébé ne soit pas drogué dès le départ, je voulais pouvoir bouger et m'occuper d'elle tout de suite après sa naissance. Alors quand le travail a commencé à se faire plus intense, j'ai bougé sur mon ballon, j'ai monté les escaliers, j'ai laissé mon corps bouger. Ce soir là, il y avait "bienvenue chez les ch'tis" sur canal plus. Elle a attendu la fin du film pour me donner le signal du départ pour la maternité et pendant longtemps quand je regardais ce film je revoyais mon embarcation, je me rappelais à quel endroit j'étais dans la pièce, dans quelle position je me suis mise...
Arrivée à la maternité, je peux exprimer mon choix de ne pas avoir de péri, de vouloir accoucher sur le côté plutôt que sur le dos. Les sages-femmes le comprennent et comme je suis la seule femme en travail cette nuit là, c'est Emmanuelle qui me prend en charge. Elle accepte le défi de m'accompagner dans le respect de la physiologie, autant que possible avec les protocoles qu'elle doit suivre. Alors elle me laisse un ballon, me laisse marcher dans les couloirs... Je ne suis pas perfusée, j'ai juste un cathéter obturé en cas d'urgence. De temps en temps elle vient me voir, m'examine, me fait un monito... Je gère assez bien les contractions. Maintenant avec le recul et les formations, notamment le séminaire "approche quantique de la naissance" de Quantik Mama, je m'aperçois que j'étais quand même dans mon mental, que je ne me suis pas laissée aller comme j'aurai pu le faire. Mais on fait comme on peut avec ce qu'on a alors à chaque contraction je me disais que même si j'avais mal, le pire était à venir ! Mais vous auriez entendu les récits d'accouchement que j'ai eu, vous auriez compris pourquoi je me disais ça. Et comme beaucoup me prenait pour une taré, je voulais leur montrer de quoi j'étais capable. Et nous l'avons fait, Clélia et moi cette nuit du samedi 14 mars 2009 ! Et "le pire" n'est jamais venu...
Emmanuelle était rassurante, dans l'humour, la douceur. Elle me massait le dos quand la contraction était trop forte, s'éclipsait quand elle voyait que j'avais besoin d'autonomie... Je rappelle que nous sommes en maternité niveau III, qui fait plus de 3000 accouchements par an, une "usine" disent certaines sages-femmes ! J'ai eu une chance monstrueuse d'être dans ces conditions ! Dommage que ce ne soit pas le quotidien...
Après un monito et un examen qui confirment que le travail avance mais qu'il y a encore le temps, Emmanuelle décide d'aller manger. Clélia ne lui laissera pas le temps de finir son riz et son poisson ! Une petite série de contractions plus intenses, ça appuie fort sur mon col, je bouge comme je peux pour me soulager, la poche des eaux se rompt, la douleur diminue, je me sens soulagée. Je comprends maintenant que je suis dans mon sommet. Emmanuelle laisse son repas et m'installe en salle de travail avec sa collègue auxiliaire dont j'ai oublié le nom. Assez vite je sens que ça pousse, je me connecte à mon bébé, lui donne l'autorisation de passer, je me laisse aller pour qu'elle vienne sans résistance. On me laisse pousser à peu près comme je veux. Mais là encore ce n'est que maintenant que je prends conscience que l'équipe me dirige dans mon accouchement. Je me rappelle cette phrase maladroite, " si dans 5 min bébé n'est toujours pas là, j'appelle l'interne". Mais c'est peut-être la dose d'adrénaline dont j'avais besoin pour la dernière ligne droite ! Clélia arrive tranquillement, mais la sage-femme l'aide quand même à sortir. Est-ce que c'est parce qu'elle prend peur avec le méconium ? (Oui désolée pour le glamour mais j'avais très peur d'avoir des selles au moment du passage dans le vagin, ce qui n'est pas arrivé, mais ma fille a fait son premier caca pendant l'accouchement !) Est-ce qu'elle ne sait pas que le bébé peut rester jusqu'à 4 minutes la tête sortie laissant le temps au reste du corps de faire sa rotation ? Avec mes connaissances actuelles, je sais que cela s'appelle du "hands on " et qu'on s'éloigne de la physiologie. Mais je peux comprendre la position de l'équipe à ce moment là. Je ne sais pas à quel moment le cordon aura été clampé, je ne sais pas quand le placenta naît, je ne le verrai même pas. Et peu importe à ce moment là, ma fille est là, elle est parfaite, une jolie tête toute ronde qui montre qu'elle n'est pas restée trop longtemps dans le passage, je la regarde, je la découvre, je l'apprivoise, plus rien autour n'existe, il n'y a que nous !
Je suis fière de moi, de nous. On l'a fait ! J'ai accouché sans péri ! L'équipe est émue de ce moment, les stagiaires présents, une étudiante sage-femme et une externe, ont été priées de se rappeler ce moment rare "vous verrez pas ça tous les jours". Le sage-femme qui m'a accueilli vient nous revoir, sa femme est enceinte de 4 mois et il espère que cela se passera aussi bien pour elle. Emmanuelle reviendra me voir le dimanche matin, dans le service de suites de couche, pour me dire comme elle était fière de moi et me remercier de l'avoir fait participer à ce beau moment.
C'était il y a 13 ans, c'est toujours aussi fort pour moi de me rappeler ces moments. J'ai eu la chance d'avoir un bel accouchement, avec le respect de mes souhaits, dans une maternité hyper spécialisée, habituée à la technique et aux complications.
J'aimerai ne pas être une exception dans la prise en charge de l'accouchement. Je veux œuvrer auprès des familles pour qu'elles puissent avoir les connaissances, la conviction et l'ancrage nécessaires pour réclamer un accouchement dans la toute-puissance, même en maternité niveau III au sein d'un centre hospitalier régional.
14 mars 2022