Dans les soins en périnatalité, il est souvent question des cultures ancestrales. Nous les retrouvons dans le portage, les cérémonies « de passage » comme le blessing way ou le soin rituel Rebozo.De plus en plus, nous entendons parlé d'appropriation culturelle. Les peuples qui pratiquaient ces rituels à l'origine demandent aux occidentaux de ne pas les donner, car nous les avons fait souffrir avec la colonisation et que c'est une autre forme d'exploitation pour eux. Je vous livre ici mes pensées sur ce sujet brûlant mais que je comprends et que je respecte.
J’aime beaucoup aller voir les autres cultures. Savoir comment ça se passe, ce que nous pourrions utiliser en occident pour plus de connexion à la Terre-Mère, à notre corps, à l’Univers… Comment nous pourrions améliorer nos vies quoi !
A 19 ans, je suis allée dans un centre de bouddhisme tibétain. Il n’était pas encore question d’appropriation culturelle à cette époque. J’ai pris refuge sans que cela me soit refusé au prétexte que je suis née de confession catholique et que je sois née en Europe. Je ne parlais pas tibétain et pourtant un nom tibétain m’a été transmis et j’ai récité les mantras en tibétain. J’ai appliqué les principes de cette pratique dans ma vie de tous les jours. Le mantra « Om mani padme om » m’accompagne très souvent. Pour les tibétains, le fait que ces pratiques soient partagées dans le monde entier est source de joie. Leur culture est en train de mourir avec l’invasion chinoise sur ce pays dans les années 50. D’ailleurs ce pays n’existe plus, on parle d’une province chinoise et son dirigeant est exilé en Inde. Alors appropriation culturelle ou maintien d’une culture hors sol ? En tout cas, dans ma pratique, je pense fort à toutes ces femmes et tous ces hommes qui sont empêchés de vivre leur culture, dans leur pays, qui sont morts pour l’avoir exprimé.
A la naissance de ma fille, la sage-femme présente m’a proposé de me resserrer le bassin sitôt la naissance, avant même de poser le pied par terre. Comme les préconisations de Bernadette de Gasquet ! Alors j’avais une écharpe prévue pour, puisque la maternité l’avait noté dans sa liste pour la naissance. Pendant 10 jours, j’ai porté mon écharpe sur les hanches, en la resserrant de la façon dont la sage-femme m’avait montré. Et maintenant, c’est toujours mon écharpe, je m’en sers parfois en atelier de portage pour montrer comment faire un nouage en hanche simple avec autre chose qu’une écharpe de portage… Jusqu’à cette année et la formation d’accompagnante en périnatalité et en parentalité, je ne m’étais pas posée la question de la réappropriation culturelle. Pourtant, avec mon écharpe, n’ai-je pas la même utilisation d’une mexicaine avec son rebozo ? Personne ne m’a dit que c’était une spécialité d’Amérique Centrale. Alors est-ce que je suis dans l’appropriation culturelle quand je porte autour du cou l’écharpe qui m’a soutenue après la naissance de ma fille ? Je sais par contre que dans ma pratique, que ce soit sur un resserrage de bassin ou sur un rituel féminin complet avec le rebozo, j’ai une pensée pour ces femmes qui font la même chose que moi à travers le monde, pour ces sages-femmes traditionnelles mexicaines qui ont eu la générosité de nous transmettre leur médecine de la femme, pour le bien de toutes les femmes. Depuis l'écriture de cet article, j'ai eu l'honneur de recevoir la transmission de l'usage du rebozo par une doula tourangelle formée et ayant travaillé au Mexique. Il s'agit de Claire (Doula-Love). Il n'existe pas de rituel rebozo comme nous le faisons en France ! Le bain de la jeune accouchée est donné par la famille le plus souvent. La cerrada, resserrage de tout le corps avec les rebozos, est donnée par la sage-femme ou la doula. Le massage du corps de la jeune maman n'est pas systématique et peut être fait par la doula. En tout cas, il n'y a pas de rituel avec l'enchainement complet. Ce qui gène le plus les populations mexicaines c'est que le tissu que nous utilisons n'est pas un rebozo ! C'est un chalina. Un rebozo est un travail artisanal magnifique qui demande au moins 2 mois de travail ! Je vous invite à regarder les stories à la une de Claire sur ce sujet !
Lorsque je choisis de suivre l’initiation au blessingway, j’ai trouvé une formidable façon de célébrer la future mère. Notre société manque de moment de communion entre nous. Alors oui, la femme enceinte tout le monde s’en occupe, le corps médical, les administrations, la famille… Mais est-ce que nous nous intéressons à elle, à ce qu’elle vit au plus profond, à son désir de reliance avec l’autre, à l’ouverture nécessaire dont elle fait preuve pour s’ouvrir à son bébé ? Nous avons perdu la notion de sacré dans nos quotidiens. Et j’ai envie d’y redonner sa place. Alors je remercie les amérindiens, peuple qui a souffert et dont la culture a été brimée, de nous transmettre cette belle cérémonie de passage dans la vie d’une femme. J’espère que je pourrais être une digne passeuse de cette tradition et permettre aux femmes qui me demandent d’organiser leur blessingway/mamablessing de toucher au sacré de leur maternité.
L’ironie est là aussi dans les termes employés. Nous les changeons pour ne pas heurter les communautés autochtones. Mais nous devons quand même les garder car les gens sur internet cherchent avec ces mots. Nous sommes comme coupées alors qu’il faudrait s’unir pour le bien des femmes du monde entier. Pourquoi ne pas utiliser un rituel qui fait du bien ? Pour moi, une mexicaine ou une française ont toutes deux intérêts à recevoir un rituel rebozo en post partum. Alors oui mes ancêtres ont sûrement participé à la traite négrière, de près ou de loin, ou simplement en ne s’y opposant pas. Oui je suis consciente que l’esclavage a fait beaucoup de mal. Mais je suis aussi consciente qu’il existe encore et moi aussi quelque part j’y participe. J’essaie de regarder la provenance de mes achats mais je ne peux pas tout contrôler. Comment sont fabriquées les pièces de moteur qu’utilise mon garagiste ? Je ne sais pas. Les achats « made in china » très nombreux dans le matériel médical dont j’avais besoin pour mon activité d’infirmière, sont-ils fabriqués par le peuple Ouïghour dans des caves sans lumière du jour et sans repos ?
Je suis de celle qui croît que mon âme a déjà plusieurs expériences terrestres. J’ai déjà reçu et peut-être même donné les soins rituels que je propose dans cette vie. Je sais que j’ai eu un passé d’esclave, un passé de femme et même si je ne peux pas justifier par ce simple fait d’utiliser ces rituels, je peux comprendre la souffrance de ces peuples, car elle est inscrite dans mon âme.
Je rends hommage à ces femmes et ces hommes qui nous ont transmis leur médecine et promet d’essayer de toute mon âme d’être digne de leur partage.